Risque de dépression associé à l’usage prolongé d’opiacés
Des chercheurs de l’Université Harvard, viennent d’illustrer que l’utilisation chronique d’opiacés semble liée à un risque plus élevé de développer une dépression majeure. Ces résultats sont publiés dans Journal of General Internal Medicine.
La prise en charge de la douleur reste l’un des volets les plus importants de la pratique de la médecine partout dans le monde. Les opiacés font partie de l’arsenal mis à la disposition des médecins pour lutter contre les douleurs sévères ou résistantes aux analgésiques de niveau plus faible, mais aussi contre les douleurs d’origine cancéreuse.
L’instauration du traitement obéit à une longue liste de critères comprenant entre autres l’âge, l’étiologie, les antécédents, les effets indésirables prévus, etc. Elle doit également tenir compte des contre-indications établies à l’usage des opiacés. Et pourtant, la prescription d’opiacés connaît une augmentation notable dernièrement.
Face à cette vulgarisation des opiacés, plusieurs études et recherches ont vu le jour pour essayer d’étudier de plus près les effets possibles du traitement de la douleur à l’aide des opiacés.
Jeffrey Scherrer – professeur agrégé en médecine communautaire et familiale à l’Université de Saint Louis – et ses collègues ont analysé les données médicales d’environ 50 000 vétérans qui n’avaient pas d’antécédents de dépression ou d’usage d’opiacés et qui par la suite ont dû prendre des analgésiques opiacés.
Selon les résultats publiés le 31 octobre sur le site du Journal of General Internal Medicine, les patients qui ont commencé à prendre des opiacés et ont continué à les prendre pendant 180 jours ou plus avaient un risque 53% plus élevé de développer un épisode de dépression. Les patients qui ont pris les opiacés pendant 90-180 jours avaient un risque 25% plus élevé par rapport aux patients qui n’ont pas pris les opiacés plus que 89 jours.
Le Dr Scherrer a déclaré dans un communiqué de presse : « Ces résultats suggèrent que plus on est exposé à des analgésiques opiacés, plus le risque de développer un épisode de dépression augmente. Les opiacés sont connus depuis longtemps pour leur capacité à apaiser la douleur et la souffrance, mais les retours rapportant des effets indésirables se multiplient et continuent à émerger ».
Même s’il reconnaît que nous manquons de preuves sur les mécanismes exactes par lesquels les opiacés peuvent contribuer au développement d’un épisode de dépression, le Dr Scherrer indique que plusieurs facteurs pourraient être impliqués. Les opiacés pourraient redéfinir la « voie de la récompense » dans le cerveau à un niveau plus élevé, ce qui signifie que l’utilisation chronique d’analgésiques narcotiques peut élever le seuil de la capacité d’une personne à éprouver du plaisir en réaction aux récompenses naturelles comme la nourriture ou l’activité sexuelle.
D’autres facteurs peuvent inclure des douleurs corporelles des mois et des années après l’arrêt d’utilisation d’opiacés ainsi que des effets indésirables variés comme la déficience en vitamine D et en testostérone, l’insuffisance surrénalienne et le dérèglement du taux de glucose.
L’étude suggère également que plus la dose d’opiacés est élevée, plus le risque de développer un épisode de dépression est élevé. Le Dr Scherrer note dans son communiqué de presse : « les données préliminaires suggèrent que si on diminue la dose quotidienne d’opiacés, le risque de développer un épisode dépressif diminue ».
Le Dr Scherrer a également indiqué que l’usage des analgésiques opiacés a été multiplié par 5 récemment. Plus de 200 millions d’ordonnances ont été délivrées aux patients aux États Unis. Il précise enfin : « Même si le risque n’est pas énorme, l’exposition est tellement grande que nous sommes probablement face à un problème de santé publique ».