À couper le souffle
Une étude internationale menée auprès d’athlètes d’élite vient confirmer que les activités d’endurance qui se déroulent en piscine sont éprouvantes pour les poumons [1]. En effet, la natation, la nage synchronisée et le waterpolo comptent, avec le cyclisme et le triathlon, parmi les sports olympiques où la prévalence de l’asthme et de l’hyperréactivité bronchique (HRB) est la plus élevée.
Les auteurs de cette étude, publiée dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology, estiment d’ailleurs que ces résultats devraient inciter la Fédération internationale de natation (FINA) à développer des stratégies pour mieux prévenir et dépister les problèmes d’asthme et d’HRB chez les athlètes qui pratiquent des disciplines aquatiques d’endurance.
L’étude repose sur des données collectées lors des Jeux olympiques de 2004 et de 2008, et lors des Championnats du monde de la FINA en 2005, en 2007 et en 2009. L’équipe de six chercheurs, dont Louis-Philippe Boulet, professeur à la Faculté de médecine ainsi que pneumologue et chercheur à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, a estimé la prévalence d’asthme/HRB à partir des attestations médicales fournies par les athlètes qui les autorisaient à utiliser un médicament bronchodilatateur.
Les comparaisons entre les différentes disciplines olympiques indiquent que la prévalence de l’asthme/HRB est trois fois plus élevée chez les athlètes qui évoluent en piscine que dans tous les autres sports confondus. Si l’on considère uniquement les disciplines d’endurance, ces troubles bronchiques sont deux fois plus fréquents dans les sports pratiqués en piscine.
Le problème n’est pas marginal. À titre d’exemple, lors des Jeux olympiques de Pékin en 2008, 25% des nageurs, 22% des athlètes en nage synchronisée et 8% des joueurs de waterpolo ont produit un certificat médical leur permettant de recourir à un bronchodilatateur.
L’asthme/HRB serait causé par les sous-produits de la chloration de l’eau qui provoquent une constriction des bronches.
«Une personne au repos inhale environ 5 litres d’air à la minute, souligne Louis-Philippe Boulet. Un nageur d’élite qui pousse au maximum en inhale jusqu’à 200 litres à la minute. Ses bronches sont donc très exposées aux produits irritants présents dans l’air des piscines.»
Les chercheurs ont noté d’importantes variations géographiques dans la prévalence de l’asthme/HRB. Le problème semble beaucoup plus commun en Océanie, en Europe et en Amérique du Nord qu’en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud. Ainsi, aux Jeux de Pékin, 37% des nageurs nord-américains utilisaient un médicament antiasthmatique contre seulement 6% des nageurs asiatiques.
«Ces différences sont peut-être dues à la génétique ou encore à un sous-diagnostic du problème dans certaines régions du monde. Elles pourraient aussi être attribuables à des variations dans les pratiques médicales ou encore à un meilleur contrôle des sous-produits de désinfection dans les piscines de certains pays», avance le professeur Boulet.
Autre constat, le pourcentage d’athlètes qui ont présenté une attestation d’asthme/HRB tendait à augmenter au fil des ans et il a atteint un pic aux Jeux de Pékin.
«Les craintes à propos de la qualité de l’air ont peut-être incité davantage d’athlètes à consulter un médecin, ce qui a permis de dépister des cas d’asthme/HRB qui étaient passés inaperçus jusque-là», suggère le pneumologue.
La possibilité que certains athlètes recourent aux bronchodilatateurs pour améliorer leurs performances ne peut être écartée. «Il est reconnu que les athlètes traités pour l’asthme/HRB sont surreprésentés parmi les médaillés, poursuit-il. C’est un fait difficile à expliquer parce que, aux doses autorisées par le Comité international olympique, les bronchodilatateurs n’améliorent pas les performances.
S’ils procurent un avantage, il pourrait être de nature psychologique. L’autre possibilité est que les meilleurs athlètes soient plus sujets à l’asthme/HRB parce qu’ils passent plus de temps à l’entraînement. Enfin, il se peut que le fait de s’entraîner pendant des années avec une limitation respiratoire conduise à une plus grande adaptation du corps.»
«À moins de vous entraîner intensément de nombreuses heures par semaine en piscine, vous n’avez pas à vous inquiéter.»
Le professeur Boulet a tout de même deux bonnes nouvelles pour les adeptes de natation. La première est que l’asthme/HRB induit par le sport est généralement réversible. «La plupart des athlètes d’élite qui cessent la compétition retrouvent une fonction respiratoire normale, ce qui suggère d’ailleurs que la pratique de leur sport est responsable du problème.» La seconde est que les nageurs récréatifs ont un faible risque d’asthme/HRB. «À moins de vous entraîner intensément de nombreuses heures par semaine en piscine, vous n’avez pas à vous inquiéter.»
Texte écrit par Jean Hamann et initialement publiée dans le Fil. Reproduction avec autorisation. [2]