Mises en échec au hockey : un changement s’impose
Au cours des dernières années, le sujet des commotions cérébrales a fait couler beaucoup d’encre, et il n’a pas fini de susciter les débats. Malgré la prolifération des études à ce sujet, il reste beaucoup de questions sans réponses et bien des pistes de solution à explorer. La prise en charge des commotions cérébrales dans le sport est un véritable défi, d’autant plus important chez les jeunes dont le cerveau n’est pas à maturité.
Sans être un expert des commotions cérébrales, j’ai développé un intérêt certain pour cette problématique puisque je pratique comme physiothérapeute de l’Océanic de Rimouski. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle j’ai dû accrocher mes patins lors de ma dernière saison dans la LHJMQ et ce qui m’a poussé à rédiger mon essai de maîtrise en physiothérapie sur le sujet.
Lorsqu’on parle des commotions cérébrales dans le sport, il y a autant d’opinions que d’intervenants. Ce qui peut être dangereux, à mon sens, c’est l’adoption de positions extrêmes, peu importe le pôle que nous préconisons. Cela est valable tant pour ceux qui militent pour l’interdiction complète de cette pratique que pour ceux qui s’obstinent aveuglément à minimiser les risques, qualifiant la prudence d’inutile.
Dans le monde du hockey québécois, il est difficile de faire abstraction de la vague médiatique qu’a suscitée l’Association des neurologues du Québec, lors de la publication de ses recommandations en mai dernier. Celles-ci visent à diminuer la prévalence des commotions cérébrales par divers moyens. Entres autres, en restreignant et retardant l’utilisation de la mise en échec au cours des parties.
La recommandation qui a fait le plus réagir est celle de reporter l’introduction des mises en échec dans les ligues élites masculines, jusqu’à ce que les joueurs atteignent la catégorie midget, soit vers l’âge de 15 ans. Or, les ligues où la mise en échec serait permise sont celles où évoluent les espoirs, des athlètes qui ont une chance raisonnable et réaliste d’évoluer et de progresser aux niveaux national, international et professionnel. Il s’agirait donc des categories midget (espoir, AAA,) junior (majeur, AAA) et universitaire.
«Totalement déconnectées de ce que vivent la très grande majorité des athlètes et des familles sur le terrain»
Pour certaines personnes gravitant dans le monde du hockey, les recommandations peuvent semblées drastiques. Dans un article mis en ligne sur le site de Radio-Canada, Martin Leclerc, ex-joueur, arbitre, dépisteur, entraîneur et maintenant journaliste les qualifient de «totalement déconnectées de ce que vivent la très grande majorité des athlètes et des familles sur le terrain».
Cependant, avec un peu de recul, on peut constater que l’Association des neurologues du Québec a mis de l’eau dans son vin. En effet, comme le cerveau humain atteindrait sa maturité après la mi-vingtaine, les jeunes évoluant au niveau midget n’ont pas complété leur développement cortical et on les laisserait tout de même s’adonner aux contacts. Dans le milieu sportif, la résistance aux changements est palpable. Par contre, une remise en question des règlements actuels est inévitable.
Comme physiothérapeute, notre rôle par rapport à cette situation est de continuer à faire de l’enseignement. Que ce soit auprès des joueurs, de leurs parents, des entraîneurs ou des dirigeants, nous devons continuer à renforcer notre implication. On ne peut rester indifférent face aux conséquences des commotions répétées. Il est important que le personnel impliqué dans le monde sportif, les parents et les décideurs soient au fait de ces réalités cliniques, parfois dévastatrices.
Il est utopique de chercher à enrayer complètement les commotions cérébrales au hockey. Par contre, il est essentiel de savoir les dépister et de prendre les mesures nécessaires pour administrer le traitement optimal.
La réalité du terrain fait en sorte que les ressources disponibles au sein des différentes organisations ne permettent pas toujours un encadrement idéal, ou standardisé. C’est pour cette raison que l’éducation et l’enseignement sur le sujet, auprès des intervenants présents au cours des parties et des pratiques, représentent un des défis les plus importants. Chaque organisation devrait prioriser la sécurité des jeunes. Cela passe par l’obtention d’informations complètes et adéquates sur les risques associés à la pratique.
Dans le monde du hockey mineur, l’impact est considérable, tel que documenté par Emery et al. (2006b) [1] et Brust et al. (1992). Leurs travaux ont permis de démontrer que la mise en échec est la principale cause des commotions au hockey. Qui plus est, c’est la cause primaire de blessures chez les jeunes hockeyeurs, peu importe le niveau de compétition où elle est permise, avec une prévalence variant entre de 45 à 86% des blessures.
Retarder l’âge auquel la mise en échec est permise permettrait de réduire le nombre de blessures, dont font partie les traumatismes crâniens. Plusieurs clament que ce serait au détriment du développement du talent. Cet argument reste à valider, mais pourrait être un effet pervers de cette réglementation. Pour ma part, je vois d’un bon oeil le fait que le directeur général de la Fédération Hockey Québec, Sylvain Lalonde soit attentif aux recommandations émises.
Cela contribuerait assurément à changer la culture de violence qui règne dans certains circuits non professionnels, où les contacts sont nombreux et l’encadrement du personnel soignant défaillant. Comme on peut le constater dans l’article «Dieu merci, nous ne sommes pas dirigés par des neurologues!» de Martin Leclerc [2], les arguments qui rejettent ces idées du revers de la main sont souvent démagogiques et conservatrices. À mon sens, qu’on soit d’accord ou non avec les recommandations de l’Association des neurologues du Québec, il semble évident qu’un changement s’impose.
Si la mise en échec était mise en pratique pour son utilité première qui est de soutirer la rondelle à un adversaire, il y aurait assurément moins de répercussions négatives découlant de la pratique de notre sport national.
Références
- Carolyn A. Emery, Jian Kang, Ian Shrier, Claude Goulet, Brent E. Hagel, Brian W. Benson, Alberto Nettel-Aguirre, Janelle R. McAllister, Gavin M. Hamilton, Willem H. Meeuwisse. Risk of Injury Associated With Body Checking Among Youth Ice Hockey Players . JAMA. 2010;303(22):2265-2272 (Lien) ↩
- Martin Leclerc. Dieu merci, nous ne sommes pas dirigés par des neurologues! Radio-Canada Blogues. (Lien) ↩