Exclusif : Entrevue avec Denis Pelletier
Professeur en technique de réadaptation physique et en physiothérapie, formateur à l’Ordre professionnel de la physiothérapie (OPPQ) et clinicien toujours actif, Denis Pelletier occupe plusieurs postes dans le domaine de la physiothérapie. Il affirme avec conviction ses positions quant à l’avenir de l’OPPQ alors qu’il vise la présidence.
Pourriez-vous préciser votre prise de position sur l’intégration dans l’OPPQ des ostéopathes, kinésiologues, thérapeutes et autres groupes?
Plusieurs groupes désirent un ordre professionnel et c’est très légitime de leur part d’y aspirer. Par contre, je pense qu’il est préférable qu’ils bénéficient de leur propre ordre professionnel, car ils ont une approche qu’on ne peut pas mixer avec d’autres façons de travailler.
Pensez-vous que votre prise de décision puisse déranger certaines instances si on se fie à l’avis public qui a été publié à ce sujet sur le site web de l’Ordre?
Dans un contexte électoral, les candidats à la présidence doivent faire connaître leur position. Je visite depuis décembre 2013 des milieux cliniques, des centres hospitaliers, des écoles et des universités. Les gens ont un discours unanime. Ils approuvent la pratique de l’ostéopathie, mais se demandent pourquoi on intègrerait un autre groupe à l’Ordre.
L’Ordre a bien fait d’émettre son avis si telle est sa position et si le Conseil d’administration décide qu’on doit faire des états généraux, c’est parfait. Il est toutefois important que les membres sachent où se positionnent les candidats.
Le 24 janvier dernier, le comité stratégique pour l’avenir de nos professions a émis des recommandations qui ont été approuvées à l’unanimité par le Conseil d’administration de l’Ordre. Il s’agit notamment d’entreprendre une réflexion quant à la demande d’autres groupes d’intégrer l’Ordre. Des états généraux régionaux sont déjà prévus à partir de la fin mai pour y réfléchir. Prévoyez-vous mettre fin à ce processus?
Quand un Conseil d’administration adopte à l’unanimité une position, notre travail à faire en tant que président est de poursuivre ce qui a été entrepris précédemment. Une fois président, l’important serait d’aborder les éléments de réflexion que j’ai apportés pendant ma campagne afin d’en discuter avec mes collègues pour connaître leur point de vue.
Par contre, ça ne remet pas en question la démarché établie. Cependant, il y a des questions qui vont se poser, comme il y aurait eu des questions qui se seraient posées peu importe les conclusions des états généraux. Nous allons tenter d’y répondre et, à la lumière de ces réponses, nous allons prendre la meilleure orientation possible. Mais je pense qu’il est tout à fait légitime pour un aspirant candidat de faire connaître sa position.
Nous cheminerons ensemble dans les états généraux, autant le Conseil d’administration que le président qui, je l’espère, sera moi. À la fin, il faudra être en mesure de dire que tous les gens ont été entendus, que tous les documents ont été analysés et que tous les experts à notre disposition ont été consultés afin d’en venir au choix le plus avantageux pour la protection du public et le développement de la profession. Ce processus se fera de façon consensuelle.
Dans votre chantier 7, vous envisagez d’instaurer des outils simplifiés pour assurer une bonne tenue des dossiers. Comment allez-vous y arriver?
Mon constat se calcule comme suit : si chaque jour, on est capable de sauver cinq à dix minutes de rédaction de dossiers, imaginez l’offre de service qu’on peut ajouter à la population quand on multiplie ce temps par les 6500 membres de l’Ordre.
Il y a des modèles, des outils et des façons de faire qui existent ailleurs pour nous permettre de faire une rédaction performante et sécuritaire pour le patient.
Dans votre chantier 8, vous parlez d’augmenter la transparence des activités de l’Ordre. Comment pensez-vous y arriver avec 6500 membres?
La transparence des travaux demande une communication moderne. L’Ordre n’a pas de page Facebook et est assez discret sur Twitter. Pourquoi se priverait-on d’outils simplifiés et peu coûteux qui permettent de renseigner les gens régulièrement sur les nouveautés et l’avancement des travaux?
Qu’est-ce qui vous distingue des autres candidats?
Je suis le seul à avoir pris la peine de noter neuf chantiers détaillés. Je prends position de manière décidée, même sur des sujets délicats. De plus, je dirais qu’après six ans sur le Conseil d’administration dont deux à la vice-présidence, je suis mieux préparé que les autres candidats, car mon parcours m’amène à connaître les enjeux de la profession d’une manière explicite.
Je suis le seul à avoir utilisé les médias sociaux de façon intensive pour faire connaître mes idées et pour échanger avec les membres. J’ai aussi reçu un grand nombre d’appuis de qualité.
J’ai visité plusieurs cliniques et centres hospitaliers à travers le Québec, car je crois qu’il est très important de consulter les membres. Un autre élément qui me distingue est le fait que j’aie proposé trois chantiers spécifiques aux techniciens en réadaptation physique (TRP). Finalement, j’ai d’emblée mis dans mon premier engagement la protection du public, mais surtout, le développement de la profession.
Que pensez-vous de l’instauration des programmes de doctorat de premier cycle en physiothérapie, comme il se fait aux États-Unis?
On n’en est pas à se demander si c’est bien ou pas. Les États-Unis exigent maintenant un doctorat professionnel, car le niveau de connaissances nécessaires pour la pratique équivaut à plus de cinq ans d’étude.
Ça risque de devenir comme ça au Canada, parce que nous sommes trop intimement liés à la pratique nord-américaine pour rester en marge. Ce serait bien parce que nous aurons des cliniciens encore plus outillés pour exercer la profession.
Quel enjeu est le plus important pour les professionnels de la physiothérapie?
Le diagnostic en physiothérapie et les pratiques avancées. Une fois qu’on a posé un diagnostic en physiothérapie, on peut s’en servir comme tremplin pour les pratiques avancées.
En ce moment, et sans être péjoratif, il y a des infirmières qui font du tri à l’urgence qui n’ont jamais fait de musculo-squelettique en détail. La prise en charge à l’urgence des conditions musculo-squelettiques par les physiothérapeutes m’apparaît très importante dans le développement de la profession.
Vous avez plusieurs engagements si vous êtes élu à la présidence, comment comptez-vous jumeler ce mandat avec vos autres occupations multiples (enseignement, pratique, etc.)?
C’est un choix qu’on fait. Je vais devoir quitter l’enseignement pour les trois prochaines années. L’engagement que je prends envers ce mandat m’amène à faire des choix. J’ai été approché par mes collègues au congrès physiothérapie 360. Il y a plusieurs collègues qui sont venus me voir pour me dire que nous étions mûrs pour un changement à la présidence et que je pourrais porter les dossiers de façon performante.
J’y ai réfléchi pendant les mois de novembre et de décembre et j’ai réalisé que l’idée de vouloir faire progresser la profession me plaisait. Je suis prêt à bouger pour être à Montréal pour les trois prochaines années. Je suis prêt à quitter mon emploi d’enseignant. Mes employeurs ont été unanimement ravis d’entendre mon choix.
Dans le monde de l’enseignement, ils aiment que les gens s’impliquent dans le milieu professionnel. C’est un choix pour trois ans et les chantiers que j’ai mis de l’avant m’apparaissent réalisables dans cette période.
Quels avantages voyez-vous à être titulaire à la fois d’une formation en technique de réadaptation physique et en physiothérapie?
J’ai œuvré avec un titre professionnel et l’autre et j’enseigne aux TRP et aux physiothérapeutes modernes. J’ai vécu cette profession dans toutes ses facettes. J’ai même fait de la recherche clinique. J’ai donc une perspective unique de la réalité de la pratique de la physiothérapie au Québec.
Des échos du terrain laissent croire à la formation d’une association québécoise de la physiothérapie. Quelle est votre position à ce sujet?
Cette position rejoint mon quatrième chantier qui consiste à favoriser l’émergence d’une association professionnelle pour permettre à l’OPPQ de se concentrer sur sa mission. L’Ordre gère par défaut plusieurs dossiers qui sont de nature associative. Cette association est attendue, mais il faut absolument qu’elle concerne et permette l’adhésion des physiothérapeutes et des TRP.